Ce que Nexem ne vous dit pas sur la Convention 66 : l’exception qui pourrait tout bouleverser pour les salariés du secteur médico-social

Convention 66 Nexem : enjeux, évolution et perspectives pour le secteur médico-social #

Champs d’application précis et secteurs concernés #

La Convention collective 66 cible spécifiquement les établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées en France métropolitaine mais inclut également ceux établis dans les départements et territoires d’outre-mer. L’objectif principal est de couvrir l’ensemble des métiers relevant de l’intervention sociale et médico-sociale conforme à la législation sur les institutions sociales. À ce titre, sont concernés les organismes dont l’activité principale se rattache à un code NAF/APE du champ social, médico-social ou éducatif reconnu par la convention.

  • Les associations habilitées œuvrant en protection sociale et judiciaire de l’enfance et de la jeunesse – dont notamment la Fondation Apprentis d’Auteuil, principal acteur de la protection de l’enfance en France
  • Les institutions médico-sociales telles que les IME (Institut Médico-Éducatif), les MAS (Maisons d’Accueil Spécialisé) et les FAM (Foyers d’Accueil Médicalisé)
  • Les organismes de soins à caractère médico-social, comme ceux affiliés à la Croix-Rouge française intervenant auprès d’enfants ou d’adultes handicapés
  • Des services d’accompagnement et de réadaptation tels que le SAMSAH (Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés) ou les SAVS (Service d’Accompagnement à la Vie Sociale), implantés dans toutes les grandes villes telles que Paris, Lyon ou Lille
  • Les centres de formation en travail social, à l’exemple de l’IRTS Île-de-France

Selon la législation actuelle, la convention s’impose aux employeurs dont l’activité principale correspond à l’un des domaines listés par la CCN et dont le siège social est implanté sur le territoire concerné. Nexem, structure de représentation employeur majeure, regroupe aujourd’hui plus de 10 000 établissements adhérents et devient le baromètre de l’évolution conventionnelle de ce secteur clé.

La vérification de l’application de la CCN 66 repose sur des éléments factuels : mention sur le contrat de travail, l’IDCC 413 sur le bulletin de salaire, et le contrôle du code NAF/APE via des portails officiels comme Legifrance.

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Les grandes lignes du dispositif salarial et indemnitaire #

L’un des piliers de la Convention collective 66 réside dans sa grille salariale évolutive qui tient compte de la diversité des métiers, du niveau de qualification et de l’ancienneté des salariés. Le salaire brut est systématiquement déterminé par l’application d’un coefficient hiérarchique associé à une valeur du point conventionnel : en 2025, sur recommandation de Nexem et après agrément de l’État, la valeur de référence pour ses adhérents s’établit à 3,93 €, contre 3,82 € auparavant, soit une revalorisation notifiée en février 2022.

  • Le système compte dix niveaux de qualification, de l’employé (niveau 1) au cadre supérieur (niveau 10)
  • La rémunération peut être augmentée par une prime d’ancienneté, récompensant la fidélité sur une échelle croissante dès 3 ans d’exercice
  • Les primes pour pénibilité sont obligatoires : le taux légal atteint 9,21% selon la fonction (soit un cas concret d’avantage indispensable dans un secteur marqué par la charge physique et psychique du travail)
  • Des congés exceptionnels sont intégrés, dépassant les seuils légaux du Code du travail, tels que l’octroi de jours supplémentaires pour ancienneté ou pour contraintes spécifiques
  • Des avantages en nature peuvent compléter la rétribution, à l’exemple de logements de fonction pour certains cadres

Depuis l’ajustement ministériel porté par Nexem en 2024, les salariés bénéficient, pour la première fois depuis plusieurs années, d’une hausse du pouvoir d’achat sur la paie nette, bien que celle-ci soit jugée insuffisante par plusieurs syndicats comme la CGT (Confédération Générale du Travail) et FO (Force Ouvrière), dans un contexte d’inflation persistante. Les obligations liées au maintien de salaire pendant la maladie ou à la garantie d’une couverture complémentaire santé bien supérieure au minimum légal sont systématisées, inscrivant la CCN 66 parmi les modèles historiques de protections salariales dans le secteur associatif.

Nexem : rôle central et stratégies d’évolution conventionnelle #

Nexem, organisation représentative des employeurs non lucratifs du secteur sanitaire, social et médico-social, occupe une place de choix dans la gouvernance de la CCN 66. Depuis 2010, suite à la fusion de l’Unifed (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) et d’autres syndicats, Nexem porte la voix de milliers de dirigeants et conduit, avec le soutien de ses mandataires, les évolutions majeures de l’architecture conventionnelle.

  • Mise en œuvre de la stratégie de fusion des conventions au sein de la BASS (Branche associative sanitaire et sociale), avec une forte accélération lors des assises de la BASS tenues à Paris en novembre 2023
  • Initiative portée par Nexem pour moderniser et simplifier les dispositifs indemnitaires, via l’ouverture de négociations collectives sectorielles et transversales
  • Position dominante dans les débats sur la possible dénonciation/renégociation de la convention du 15 mars 1966, option qui divise profondément les syndicats, le ministère des Solidarités et les fédérations représentatives des usagers
  • Renforcement de l’attractivité employeur, notamment via le plan d’action « RH 2030 » dévoilé durant le Colloque national Nexem 2024

Les fédérations syndicales, telles que la Fédération CGT Santé Action Sociale et la Fédération FO Recherche et Innovation, s’opposent souvent aux évolutions proposées par les employeurs. Elles défendent le maintien intégral du socle CCN 66 et alertent sur les risques de nivellement vers le bas des droits sociaux. La stratégie de Nexem vise l’élargissement du périmètre de la convention, tout en adaptant les référentiels métiers et les classifications aux nouveaux enjeux de l’intervention sociale. Selon nous, la capacité de Nexem à concilier innovation conventionnelle et préservation des acquis sociaux déterminera l’équilibre futur du secteur.

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Quels risques et perspectives pour les salariés et les employeurs ? #

Les négociations houleuses autour de la dénonciation éventuelle de la CCN 66 n’épargnent ni les directions d’établissements, ni les représentants du personnel. Les craintes majeures portent sur la pérennité des avantages acquis—notamment les grilles de salaires protectrices, la prime d’ancienneté, la couverture santé renforcée—face à la perspective d’une fusion, voire d’une disparition de la convention au profit d’un accord collectif moins généreux.

  • Risque de régression des droits pour les salariés dont les garanties seraient redéfinies à la baisse après 18 mois maximum de survie des clauses favorables (« survie conventionnelle » fixée par la réglementation sociale)
  • Possibilité d’une clause de sauvegarde proposée lors du Conseil d’administration Nexem de mars 2024 visant à préserver un « plancher social » pour les métiers les plus exposés
  • Alternatives syndicales avancées par la CFDT Santé-Sociaux et la CFTC telles que l’adoption d’une convention collective de branche unique ou la négociation d’accords sur-mesure pour certaines filières (protection de l’enfance, secteur handicap, etc.)

L’inquiétude atteint un sommet chez les nouveaux entrants du secteur, fragilisés par la perspective d’une harmonisation à la baisse des grilles salariales lors des recrutements post-fusion. Pour les employeurs, la maîtrise budgétaire prime mais se heurte à la nécessité de sauvegarder l’attractivité sociale, condition essentielle au recrutement et à la fidélisation des professionnels. L’issue des discussions actuellement menées entre les représentants de Nexem, les syndicats et l’État sera décisive pour l’ensemble de l’écosystème.

Impact sur les dynamiques RH, la gestion de la paie et les stratégies sociales #

L’évolution de la CCN 66 bouleverse en profondeur l’ensemble des fonctions Ressources Humaines au sein des organismes sociaux et médico-sociaux affiliés à Nexem ou à la Fegapei. Toute adaptation conventionnelle implique la révision de la politique de rémunération, la formation continue des gestionnaires de paie et l’actualisation des procédures de conformité légale, mais aussi une modernisation des approches de gestion des carrières et du dialogue social interne.

  • Travail d’anticipation sur la réforme des grilles salariales pour éviter tout « effet de cliquet » lors d’une potentielle fusion de conventions
  • Recalibrage des processus de gestion paie pour intégrer les nouveaux montants de la valeur du point, la prise en compte précise de l’ancienneté, le calcul détaillé des primes de sujétion et d’indemnités exceptionnelles
  • Mise en place d’outils de veille juridique et conventionnelle, à l’image des plateformes RH développées par ADP France et PayFit, garantissant la réactivité face aux évolutions du droit social
  • Renforcement de la communication sociale interne, indispensable lors des mouvements sociaux, grèves ou journées nationales d’action organisées par la CGT ou la FO, signalant aux salariés l’état d’avancement des négociations

Nous recommandons aux responsables RH et aux gestionnaires d’établissement d’adopter une approche proactive : cartographie des risques juridiques, benchmarking sectoriel sur les rémunérations (ex : étude 2024 de l’UNIOPSS sur l’attractivité RH), consultations régulières avec des experts en droit social, et formation continue des équipes sur les évolutions portées par Nexem. Les établissements dotés d’un SIRH intègrent déjà de nouveaux modules dédiés à la gestion automatisée des évolutions conventionnelles.

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La capacité à anticiper et piloter le changement, dans un climat d’incertitude mais aussi d’innovation conventionnelle, conditionnera la performance RH et financière des acteurs du secteur médico-social pour les années à venir.

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